Albert Ducrocq, retour sur toute une époque

Lunarjojo a écrit:

Albert Ducrocq ne s'est jamais défini comme un visionnaire, donc je suis d'accord que le prendre en "faute d'avenir" n'est pas du tout, de ma part, une faiblesse que j’attache aux basques du grand Albert. Simplement, Albert Ducrocq raisonnait comme un scientifique : pour aller sur la Lune, il faut telle fusée, et comme on sait la construire, on va sur la Lune. Sauf que pour des raisons rarement expliquées dans ses livres (politiques, financières, militaires, etc…), on ne retourna pas sur la Lune. Si on se limite à ses explications techniques, tout va bien. Effectivement, le fait de produire de l’oxygène lunaire restreint le tonnage à envoyer vers la Lune d’un facteur 5. Mais le béotien qui lira cet article se demandera : puisque la solution pour limiter le tonnage à envoyer est trouvée, pourquoi donc nous n’y sommes toujours pas, sur la Lune ? Et il ne trouvera pas d’explications dans les articles d’Albert Ducrocq, qui étaient, répétons-le, des articles à dominante technique.

Je n'ai pas bien saisi le sens de la phrase soulignée.

Evidemment tout dépend du sens que l'on donne au mot visionnaire.
visionnaire : personne qui a ou croit à des visions, des révélations surnaturelles, ou qui a des idées folles, extravagantes. (D'après le petit Robert)

D'après cette définition (pas très valorisante) on comprend qu'Albert Ducrocq ne se soit jamais défini comme un visionnaire.
Ci-joint quelques extraits tirés de deux de ses ouvrages. A vous de juger s'il était un visionnaire ou non. J'ai souligné les phrases qui me semblaient les plus pertinentes mais cela ne se voit guère.
Bonne lecture.
A. Ducrocq "La route du Cosmos" (Julliard 1957)

A. Ducrocq "L'homme sur la Lune" (Julliard 1969)

A. Ducrocq "L'homme sur la Lune" (Julliard 1969)[quote]

visionnaire: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Citation :

Littéraire. Qui est capable d'anticipation, qui a l'intuition de l'avenir : Jules Verne fut un visionnaire.

Après juillet 1969, on a pu dire que Jules Verne était un visionnaire...

Il suffit d'attendre encore un peu

Un extrait de Air & Cosmos du 4 février 2000:

fan de de Ducrocq a écrit:

Il suffit d'attendre encore un peu.

Je savais que tu interviendrais Fan de Ducrocq. Tout à fait d'accord : il suffit d'attendre encore un peu. Ceci dit, dans cet article écrit en l'an 2000 (un an avant son décès), A. Ducrocq est un peu moins triomphaliste.

Explorer a écrit:

Lunarjojo a écrit:

Albert Ducrocq ne s'est jamais défini comme un visionnaire, donc je suis d'accord que le prendre en "faute d'avenir" n'est pas du tout, de ma part, une faiblesse que j’attache aux basques du grand Albert.

Je n'ai pas bien saisi le sens de la phrase soulignée.

Simplement qu'Albert Ducrocq ne s'étant jamais défini comme un visionnaire, on ne peut pas lui reprocher si ses pronostiques sur l'avenir de la conquête spatiale ne se sont pas réalisés.

Je donne au sens du mot visionnaire la particularité que possède une personne de prévoir dans l'avenir un fait de société, une découverte technologique, une nouvelle technique, etc, que rien, au moment ou l'annonce est faite, ne peut permettre de prévoir sa venue. Par exemple, lorsqu'on relit les ouvrages des années 1950/1960 sur ce que sera l'an 2000, on voyait des voitures volantes, voir atomiques, des habitats sous- marins, et j'en passe. Mais tout ceci n'était qu'une prolongation des techniques existantes: rien de bien visionnaire la-dedans. Malgré ça, les échecs de prédictions furent nombreux. Par contre, personne n'a vu venir internet, qui permet de vous répondre pratiquement à l'instant. Rien à ce moment là, aucuns prémices ne permettaient de voir arriver la toile mondiale. Celui qui l'aurait annoncé, pour le coup, était visionnaire.

Albert Ducrocq a connu les fusées, la marche sur la Lune, etc... La conquête des planètes n'est que la suite logique de l'aventure astronautique. Rien de bien visionnaire ici non plus

Quant à Jules Verne, il n'a prédit ni la fusée, ni la base spatiale, encore moins la navigation spatiale. Il n'a fait que prolonger les techniques de l'artillerie de son temps. Le premier chapitre d'ailleurs, lors de la réunion du Gun Club, est éloquent à cet égard. Son génie fut surtout de viser la Lune.

Cordialement

Albert Ducrocq avait sa vision de la conquête spatiale... même s'il s'est largement trompé en ce qui concerne l'exploration habitée. C'est pour cela que je le qualifierai malgré tout de visionnaire. Si on entend par visionnaire quelqu'un capable de prédire l'avenir avec exactitude, alors, c'est sûr, il n'y a jamais eu de visionnaires.

Ci-joint un article d'Albert Ducrocq paru dans Air & Cosmos, daté du 24 Février 1969.

Explorer a écrit:

Si on entend par visionnaire quelqu'un capable de prédire l'avenir avec exactitude, alors, c'est sûr, il n'y a jamais eu de visionnaires.[/color]

Ce qui est la définition courante qu'on donne à ce mot

lunarjojo a écrit:

Ce qui est la définition courante qu'on donne à ce mot

Pas d'accord du tout. Au cours de l'histoire nombre de personnages ont été qualifiés de visionnaires, même si leurs visions ne collaient pas vraiment avec la réalité.
Au fait pourquoi ce mot existe-t-il dans le dictionnaire ? Il faut bien qu'il serve à quelquechose, n'est-il pas ?

Explorer a écrit:

lunarjojo a écrit:

Ce qui est la définition courante qu'on donne à ce mot

Pas d'accord du tout. Au cours de l'histoire nombre de personnages ont été qualifiés de visionnaires, même si leurs visions ne collaient pas vraiment avec la réalité.

Je dois avoir du mal avec la langue française: on peut être visionnaire et ne pas coller à la réalité?

lunarjojo a écrit:

Je dois avoir du mal avec la langue française: on peut être visionnaire et ne pas coller à la réalité?

Laissons aux pointilleux la "définition courante"... mais néanmoins très restrictive, et accordons aux autres une interprétation plus ouverte, plus généreuse. Les mots ont un sens bien défini mais aussi une valeur d'usage. Je me dis que beaucoup de gens doivent avoir du mal avec la langue française.

Fermons cette parenthèse sémantique et revenons au sujet

Je ne le considère pas comme un visionnaire, car une étude sérieuse des politiques spatiales de l'époque permettait déjà de voir les prémices d'un arrêt de la course à la Lune. Et pourtant, en 1969, c'est un des livres les plus justes qui ait été écrit, annonçant à la fois l'arrêt des missions lunaires et le recentrage de l'astronautique en orbite terrestre. La plupart des autres livres, toujours aussi dithyrambiques, voyaient le sol martien foulé dans les années 1980. Rejeté par les aficionados de la conquête spatiale (de la même manière que Serge Brunier, quelques dizaines d'années plus tard, avec son brûlot:"A quoi servent les astronautes?"), il est souvent absent des listes de livres astronautiques. L'auteur n'a plus par la suite écrit de livres sur le sujet.

"La Lune est à vendre" François de Closets - Editions Denoël - 1969

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L'histoire a parfois tendance à se répéter. Déjà en 1969 il y avait le camp des optimistes (voire des hyper-optimistes) et celui des pessimistes. Pour les uns l'arrêt des missions lunaires était une pause provisoire, pour les autres un arrêt définitif... mais à l'époque il était vraiment très difficile de dire qui avait raison. Depuis, plusieurs dizaines d'années se sont écoulées, et, aujourd'hui, la réponse nous apparaît claire comme de l'eau de roche.
Actuellement nous vivons la même incertitude. Qu'adviendra-il du programme spatial américain après 2020 ? Là encore il y a le camp des optimistes et celui des pessimistes. Une grande différence cependant par rapport à 1969. Au fil des années toutes les solutions semblent avoir été épuisées. Devinez dans quel camp je me range.

Étant à l'époque un grand aficionado de la conquête spatiale j'ai totalement zappé ce livre de François de Closets ("La Lune est à vendre") et, depuis, je n'ai jamais eu l'occasion de le lire. Que voulait-il dire par ce titre? La Lune est à vendre ? Vendre à qui si elle devait être abandonnée ?

Attardez-vous sur la dernière partie La grande mutation de l'an 2020 ( nous n'en sommes plus très loin ) de cet article de Air & Cosmos du 22 avril 1978 ( il y a vraiment 35 ans, j'ai posé l'opération ).

L'énergie solaire ne représente actuellement qu'environ 0,6 % de la production d'énergie mondiale.


"Parce qu'il est sûr que les sources d'énergie principales de notre monde actuel - pétrole et gaz naturel - auront été à peu près complètement épuisés au milieu du XXème siècle"

Pas tout à fait !

SpaceNut a écrit:

...
auront été à peu près complètement épuisés au milieu du XXème siècle"

Pas tout à fait !

Il s'agit d'une faute de frappe, il faut lire au milieu du XXIème siècle ( en 1978 le milieu du XXème siècle est loin derrière) .

fan de ducrocq a écrit:

SpaceNut a écrit:

...
auront été à peu près complètement épuisés au milieu du XXème siècle"

Pas tout à fait !

Il s'agit d'une faute de frappe, il faut lire au milieu du XXIème siècle ( en 1978 le milieu du XXème siècle est loin derrière) .

HS- Le problème n'est pas que le pétrole ou le charbon soient épuisés (il en restera toujours). Par contre, leur rareté, ou une exploitation de plus en plus difficile (eau profonde, arctique) feront que leurs prix s'envolent, et mettent à mal une économie déjà peu florissante. Si l'énergie solaire photovoltaïque fait moins de 1%, les composants carbonés (pétrole, charbon et gaz) produisent 80% de l'énergie mondiale. C'est un défi à relever pour les générations actuelles et futures bien plus redoutable que tout autre, car l'énergie est vraiment le socle des civilisations technologiques. HS

Explorer a écrit:

Étant à l'époque un grand aficionado de la conquête spatiale j'ai totalement zappé ce livre de François de Closets ("La Lune est à vendre") et, depuis, je n'ai jamais eu l'occasion de le lire. Que voulait-il dire par ce titre? La Lune est à vendre ? Vendre à qui si elle devait être abandonnée ?

Je n'avais pas vu ce message, d’où mon retard pour la réponse.

"La Lune est à vendre" est un des premiers livres qui, à mon avis, présente une explication réaliste du programme Apollo. Alors que les livres astronautiques de cette époque se focalisaient souvent sur l'aspect technique (l'immense fusée, l'immense hangar, 400000 personnes employées, la turbo pompe d'un seul moteur avalait par seconde autant de carburant qu'une voiture en une année, et j'en passe des meilleures...), il fut le seul, à ma connaissance, à regarder les aspects politiques du programme, et surtout à essayer de comprendre ce que sera l'après Apollo. Or, François de Closets a vu juste. Sur le plan politique, il comprit avant beaucoup d'autres que la course à la Lune était une impasse, puisque avec l'alunissage des astronautes, disparaissait la raison même de ce programme (y être avant les Russes, c'est à dire avant les communistes).

Le livre pour autant ne se désintéresse pas de l'aspect technique. En gros, pour l'auteur, le matériel Apollo a été construit par rapport à une échéance et une seule: la date fixée par Kennedy. Le résultat fut que les choix techniques opérés obéissaient non à une rationalité technique, mais au temps qu'il fallait pour les développer. Résultat: un matériel très spécialisé, utilisable presque uniquement pour quoi il avait été conçu, c'est à dire la Lune. Or, François de Closets voyait beaucoup plus d'intérêt (et d'applications) aux satellites terrestres que lunaires. L'avenir lui donna raison. Le titre, "La Lune est à vendre" est bien entendu une parabole: on vend ce qui ne nous intéresse plus.

Ce livre est d'autant plus remarquable que, si vous lisez des ouvrages ou des revues de cette époque, tous parlaient du voyage vers Mars qui n'allait pas tarder après la Lune. Et je vous passe des bases lunaires qui ne manqueraient pas de scintiller sur le sol de notre satellite dès le début du 21ième siècle.

Cordialement

fan de ducrocq a écrit:

Il s'agit d'une faute de frappe, il faut lire au milieu du XXIème siècle ( en 1978 le milieu du XXème siècle est loin derrière) .

Un peu plus qu'une faute de frappe car Albert Ducrocq écrit bien "vingtième" et non "vingt et unième". Ceci dit tu as raison il s'agit d'un lapsus calami.

lunarjojo a écrit:

"La Lune est à vendre" est un des premiers livres qui, à mon avis, présente une explication réaliste du programme Apollo...

Tu m'as convaincu... Je viens de le commander !

SpaceNut a écrit:

Tu m'as convaincu... Je viens de le commander !

J'attends avec impatience ton avis

Merci pour ton excellente réponse Lunarjojo. Je suis étonné qu'on puisse encore commander ce livre. Comment se le procurer ? Un bravo pour Spacenut !

Explorer a écrit:

Merci pour ton excellente réponse Lunarjojo. Je suis étonné qu'on puisse encore commander ce livre. Comment se le procurer ? Un bravo pour Spacenut !

Pour ma part je l'ai commandé sur Amazon...


Je ne manquerai pas de vous donner mon avis !

Reçu ce matin... 210 pages de saine lecture !