Voici le passge qui décrit le vaisseau ...
C'est quelque chose (surtout concernant les armes)
Au centre du système d'échafaudages une espèce de grand obus, cylindre-conique, perché sur une arcature métallique rappelant, aux dimensions près la forme des supports inférieurs de la Tour Eiffel, dressait ses formes arrondies ; sa surface extérieure était divisée longitudinalement en deux moitié disparates :
l'une, en effet, était enduite d'une couche de nickel brillant, tandis que l'autre était recouverte d'une couche de peinture noire et mate.
Entre les quatre pieds du soubassement est dressée une échelle dont les échelons aboutissent à “un trou d'homme” donnant accès dans l'intérieur de l'engin, après une ascension au moyen de crampons de fer placés le long des parois d'une sorte de tunnel vertical, de puits, de trois mètres de hauteur.
Arrivé là, on pénètre dans la “chambre” proprement dite : c’est une pièce de 4 mètres de diamètre et de 4 m. 50 de hauteur ; c'est là que devront séjourner et vivre pendant deux mois, trois mois peut-être, les audacieux savants qui vont s'élancer à la conquête des mondes !
Les installations intérieure ne sont pas encore posées. Mais le marquis de Valsorres ou Espéret disent qu'elles sont prêtes à être mises en place ; qu'elles comprennent des couchettes superposées deux à deux, comme dans les navires, avec de nombreux
tiroirs, une foule d'armoires à compartiments où l'on pourra loger et emmagasiner les ustensiles, les instruments, les armes indispensables pour cette entreprise sans précédent
Une seule chose est “à poste” : c'est un établi avec deux étaux, des outils, et même un petit tour portatif et repliable, afin de pouvoir, au besoin, faire une réparation d’urgence.
Au plafond de cette pièce est une large ouverture, d'un diamètre de 1m., se continuant par une espèce de puits, allant en se rétrécissant vers son sommet. C'est à l'extrémité supérieure de ce puits qu'est fixé, solidement serti dans des armatures de bronze, le “hublot” en glace épaisse de Saint-Gobain, large de 25 centimètres, et qui permettra à l'un des voyageurs, celui qui sera de veille, d'apercevoir les points du ciel ou des planètes vers lesquels se dirigera le merveilleux projectile.
D'autres hublots, au nombre de quatre, sont percés dans les parois latérales de la
“chambre” et permettent l'observation par les côtés. Enfin, dans la trappe qui ferme le puits d'accès, un sixième hublot, recouvert en temps ordinaire par une plaque de métal, permet de voir ce qui se passe à l'arrière de la fusée.
Nous avons pénétré, jusqu’ici, dans la chambre, dans la “cabine” pourrait-on dire : ce n'est pas là le plus intéressant de l'appareil, et nous allons maintenant voir quels sont les organes essentiels.
La surface cylindro-conique extérieure, mi-partie polie, mi-partie noircie, n'est pas la paroi même de la chambre : ce n'est que l’enveloppe extérieure du véhicule céleste ; entre cette enveloppe et l’enveloppe intérieure proprement dite, il y en a encore deux autres ajustées avec le plus grand soin à la soudure autogène, de façon à ne laisser aucune fissure.
Car entre ces trois enveloppes, le vide est fait, le vide le plus parfait que l'homme puisse produire.
C'est cette enveloppe “à vide” qui assure la protection des voyageurs contre le froid terrible des espaces interplanétaires.
On sait, en effet, que la température de l'espace céleste est le zéro absolu, c'est-à-dire une température correspondant à 273° au-dessous du zéro usuel de nos thermomètres. C'est pour résister à ce froid que Valsorres et Espéret avaient eu l'idée des enveloppes concentriques emprisonnant un espace vide d'air. C'est l'artifice des bouteilles “Thermos”, dans lesquelles on conserve les aliments, froids ou chauds, à leur température d'introduction.
Au-dessous et au-dessus de la cabine étaient deux espaces
ayant chacun sa destination.
L'espace au-dessous de la cabine et séparé d’elle par plusieurs plaques d'acier de grande épaisseur était la “chambre de combustion”.
C’est là que le virium devait se décomposer sous l’action, réglée à volonté, des rayons cathodiques et fournir la formidable dose d'énergie nécessaire à la propulsion de la fusée sous les vitesses fantastiques qu'elle devait atteindre pour pouvoir arriver à son
but dans le temps voulu.
Cette chambre de combustion occupait, sous la cabine, un volume d'environ deux mètres cubes et se terminait par trois tubes d'acier qui débouchaient entre les pieds-supports de l'engin.
Ces trois tubes faisaient entre eux un angle aigu, de façon à ressembler à un trépied : l'effort moteur était donc dirigé suivant leur axe, quand les gaz s'échappaient par les trois tubes à la fois. Mais si l'on fermait l'un d'eux, l'effort devenait dissymétrique et l'obus pouvait être dévié de sa trajectoire.
De plus, trois autres tubes verticaux partaient de la chambre de combustion, et se recourbaient horizontalement vers l'extérieur, selon trois directions faisant entre elles des angles de 120°.
Ce sont ces tubes qui serviront, par les réactions que produira le gaz à leur sortie, à diriger et au besoin à “retourner” la fusée dans l'espace. Dans ce dernier cas, le dégagement du gaz par les tubes inférieur fera “frein” et amortira graduellement la chute
sur la planète où les voyageurs pourront se poser tout doucement. Des soupapes en acier permettent de fermer à volonté un ou plusieurs des orifices d'écoulement ; ces soupapes sont manoeuvrables de l’intérieur du puits situé au haut de la fusée.
Le “pilote” de la fusé sera donc, à tout moment, maître de sa direction ainsi que de sa vitesse.
Au-dessus de la cabine est un haut de 4 mètres, partagé horizontalement en deux par une cloison rigoureusement étanche et que traverse le puits supérieur. C'est dans cet espace que seront emmagasinées les provisions d'eau et de comestibles nécessaires à l'expédition.
Valsorres comptait faire le trajet eu deux mois : il voulait s'assurer un “coefficient de sécurité” et emporter des vivres et de l'eau pour six mois. Il fallait prévoir pour chaque voyageur en moyenne 2 kilos de nourriture solide et 2 litres de liquide par jour. Cela faisait, pour 180 jours, 360 kilos de nourriture et 360 litres d'eau ; multiplié par 4, ce nombre donnait 1440 kilos de vivres et 1440 litres d’eau.
Valsorres emportait 2 000 kilos de vivres et 2 500 kilos d'eau. Ceux-ci étaient logés dans l’espace supérieur, le plus rapproché de la pointe de l'obus ; les vivres étaient logés en dessous. Des portes permettaient d’accéder dans l’espace annulaire qui les contenait et qui pouvait encore contenir d'autres objets nécessaire : couvertures, linge, objets de pansements, pharmacie, etc.
Quant à la chaleur indispensable pour obtenir des liquides chauds, il n'y avait pas à s'en préoccuper : une parcelle de bromure de virium représentait plus que l’énergie calorifique nécessaire pour la cuisson des conserves et la préparation du café ou du thé brûlant.
Valsorres avait pensé à la défense au cas où l'on serait attaqué par les “Saturniens”, s'il en existait.
Il emportait quatre carabines Winchester à répétition automatique, deux “expresses-rifles” de gros calibre, à balles expansives, pour combattre les animaux que l'on pouvait rencontrer, et, en plus, deux fusils de chasse ordinaires. Chacune de ces armes était amplement approvisionnée de cartouches.
En outre, chaque voyageur devait être muni d’un browning et d'un fort couteau de chasse de forme américaine, court et solide.
Enfin, pour tout prévoir, le marquis emportait une mitrailleuse et, pour celle-ci, un approvisionnement de dix mille cartouches.
Après cela, les quatre argonautes pouvaient “tenir” contre des forces infiniment supérieures.
Il est inutile de dire que le côté “instruments” avait été particulièrement soigné.
Deux lunettes astronomiques à lentilles et miroirs, des “réfractomètres” de grande puissance, malgré leurs dimensions réduites, permettraient aux voyageurs du ciel d'observer tout ce qui, près ou loin, apparaîtrait à leurs regards. La plus forte de ces lunettes
avait un grossissement de deux cents fois, la plus faible un grossissement de soixante.
Chacun d'eux devait emporter, en outre, une jumelle à prismes grossissant douze fois, pour les observations à distance relativement courte, lorsqu’on serait arrivé près de Saturne.
Les instruments de précision, baromètres, thermomètres, manomètres, étaient soigneusement logés dans des écrins. Des produits chimiques destinés à dégager l’oxygène et absorber l'acide carbonique provenant de la respiration des voyageurs, étaient emmagasinés dans le compartiment de l’extrême avant.
Des orifices fermés par des robinets à pointeau, traversaient les enveloppes concentriques de la fusée et aboutissaient, par des tubes, à l'intérieur de la cabine : ils devaient permettre aux voyageurs, avant de se risquer à sortir de leur véhicule de connaître la pression de l'atmosphère à l'endroit où ils débarqueraient, ainsi que la nature des gaz qu'ils allaient avoir à y respirer.
On le voit, tout avait prévu, même des appareils photographiques, à long et à court foyer, pour photographier les astres lointains aussi bien que les objets les plus rapprochés.
Jamais expédition n'avait été préparée avec un pareil souci
de ne rien laisser au hasard.
Il n'y avait plus qu'à mettre en place les meubles de la cabine, qu'à enlever les échafaudages ayant servi à la construction.
Et alors la fusée, libérée de ses entraves, pourrait s’élancer vers le monde nouveau qu'elle allait conquérir.