Francis Rocard reste en effet très pragmatique. Mais lorsqu'on a fini de lire le livre, on s'aperçoit que les problèmes à résoudre sont immenses, et que si l'un d'entre eux ne trouve pas de solution viable, la mission est impossible.
Ainsi, un chapitre est consacré au retour d'échantillons depuis Mars. Pour cette "simple" mission, les défis sont déjà nombreux, voire à la limite de la technologie actuelle (je rappelle en passant que pour la mission en cours Insight, la sonde s'est montrée incapable d'enfoncer le capteur de température, ce qui est somme toute une expérience assez modeste). Car pour le retour d'échantillons, un rover (qu'il faut envoyer) fore dans le sol martien, collecte une cinquantaine de carottes pendant une année martienne qu'il dépose en 3 endroits différents. Puis un orbiteur se place en orbite martienne et attends les échantillons. Enfin, on envoie sur Mars un atterrisseur équipé d'une fusée pour décoller de la surface et un rover qui ira chercher les échantillons là où ils ont été déposés. Les échantillons sont placés dans un container de la fusée, envoyés rejoindre l’orbiteur, et enfin ramenés à terre. Ouf! La mission durera une dizaine d'années, entre l'envoi du robot foreur au retour de la capsule contenant les échantillons.
On le voit, la mission est fort complexe, et chaque étape est critique, pouvant amener l'échec du programme. Lorsqu'on parle d'envoyer des hommes, la complexité s'accroit, car les tonnages en jeu ne sont pas les mêmes (les échantillons martiens ramenés sur terre pèsent environ 500 grammes), et de plus la fiabilité doit être totale. Cela suppose des redondances, qui, avec la complexité du système vie, entraine une masse sans commune mesure avec ce qui a été envoyé jusqu'à présent sur Mars (une tonne). Ainsi, le véhicule d'atterrissage devrait peser autour d'une cinquantaine de tonnes. Toutes les étapes (le voyage, l'atterrissage, la production de carburant sur Mars, le décollage, le retour, etc.) devront faire l'objet d’essais intermédiaires, ce qui prendra du temps (on ne va pas vers Mars n'importe quand, y a des fenêtres) et, on s'en doute beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent... C'est pour cela que pour Rocard, le voyage se fera après 2050... Mais à ce moment-là, cela ne sera plus nécessaire, puisque Elon Musk aura déjà envoyé plusieurs milliers de personnes et construit de véritables villes....